Interview de Khadija OUBOUMOUR - mai 2019

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Interview de Khadija OUBOUMOUR

Conseillère municipale déléguée
Développement durable

Commerces et territoires équitables

Conseillère territoriale T11


Interview donnée à l’occasion de l’édition 2019 du marché bio-équitable

Chaque année, la participation de notre ville à la quinzaine du commerce équitable avec son marché bio-équitable, est un moment clé pour sensibiliser nos concitoyens sur les enjeux et les impacts du commerce équitable. Depuis 2015, vous placez cet événement sous le thème du réchauffement climatique, pourquoi ?

L’objectif de cet évènement annuel est d’aller vers les visiteurs pour les sensibiliser à la consommation responsable en général et à la nécessité d’un commerce juste et équitable en particulier. Nous voulons leur faire comprendre que le commerce équitable concerne tout le monde et leur expliquer pourquoi il est urgent d’agir contre le réchauffement climatique. Les petit(e)s producteur(trices), en particulier ceux qui possèdent moins de deux hectares de terre, contribuent largement à nos systèmes alimentaires et agricoles. Pourtant ce sont eux qui subissent de plein fouet les aléas climatiques. Menacés par la pauvreté et la faim, ils font partie des populations les plus vulnérables face aux impacts du dérèglement climatique. Nos concitoyens doivent savoir également que le commerce conventionnel génère de nombreuses inégalités, continue à appauvrir les petits producteurs et ne profite qu’aux multinationales. C’est dans ce cadre que s’est déroulé la COP24 en décembre dernier, en Pologne, avec deux objectifs : faire aboutir les négociations sur l’application de l’Accord de Paris et avancer vers l’objectif de contenir le réchauffement climatique sous les 1,5 degré d’ici 2020.


Dans quelle mesure, le commerce équitable est-il une solution pour agir pour le climat ?

Pour qu’il y ait une justice climatique, il faut une justice sociale. Le commerce équitable est une solution pour une transition écologique, sociale et solidaire. Il promeut une justice sociale basée sur le respect des droits humains et sur l’idée que chaque travailleur mérite un revenu qui lui permette de vivre dignement de son travail. Le commerce équitable contribue à faire vivre la démocratie et permet à chacun de faire entendre sa voix, dans les pays du Nord comme ceux du Sud. Il permet aussi le développement de modes de production plus respectueux de l’Homme et de l’environnement : les producteurs bénéficient d’une juste rémunération et d’une meilleure qualité de vie, ils cultivent sans OGM et selon des méthodes qui offrent une alternative durable aux modes de culture intensive qui appauvrissent les sols et les ressources en eau, etc. Enfin, le commerce équitable nous permet à nous, consommateurs, de bénéficier d’une réelle traçabilité, de consommer des produits sains et de qualité. Le climat est préservé !


Le 16 mai prochain à 18H30 dans les salons de la mairie, Alfortville sera mise à l’honneur et recevra, en plus de son 5e Label, le « Trophée d’honneur Territoire équitable ». Pourriez-vous nous en dire plus ?

La campagne « Territoires de Commerce équitable » fête ses dix ans, et à cette occasion, les co-porteurs de la campagne (Fédération Artisans du monde, commerce équitable France, Fair[e] un monde équitable, et Max Havelaar France) ont souhaité récompenser les actions remarquables des collectivités en décernant « Les Trophées des territoires équitables ». Le trophée d’Honneur que notre ville recevra à cette occasion vient couronner notre engagement de longue date. Alfortville a été la première ville à s’engager ! Je suis très honorée et très touchée de cette distinction qui récompense notre travail et porte la reconnaissance de notre engagement au niveau national !


Quels projets pour continuer à faire briller notre ville ?
Nous continuerons à travailler essentiellement sur l’éducation au développement durable, avec des projets ludiques et pédagogiques à destination des établissements scolaires et des rendez-vous grand public (marché bio-équitable, semaine de l’économie sociale et solidaire, Festi’Sol). Mais nous voulons aller encore plus loin pour la transition de notre ville équitable et solidaire vers une ville durable soucieuse de la planète. Pour cela, nous lançons un grand projet pour s’engager dans l’Agenda 2030 et réaliser ses 17 objectifs de développement durable ! Il ne tient qu’à nous de les réaliser. Chaque décision compte, chaque dixième de degré compte. Alors, Alfortvillaises, Alfortvillais, ensemble agissons !

A l’occasion de la 18ème édition nationale de la Quinzaine du commerce équitable, quelles sont les avancées à Alfortville ?

A Alfortville, « territoire équitable » depuis 2008, notre action est constamment axée sur la sensibilisation et l’éducation à la consommation responsable et au développement durable, avec notre participation active à la quinzaine nationale, moment clé inscrit à notre agenda depuis 10 ans, pour rencontrer les alfortvillais et leur expliquer les enjeux et les impacts des échanges commerciaux mondiaux, et la solution d’un commerce plus juste qui respecte l’Homme et l’environnement, en France comme aux pays du Sud.
Nous avons noué des partenariats sur le long terme avec les établissements scolaires et la Ligue de l’enseignement pour des actions pédagogiques ponctuelles.


L’intégration en 2014 des clauses sociales et environnementales dans le cahier des charges de la commande publique de la ville, a permis l’introduction en plus d’un aliment Bio au moins dans chaque repas dans les crèches municipales, les denrées que sont le riz, la banane, les chocolats et le sucre sont issus du commerce équitable. Ceci aussi a été rendu possible à GPSEA, pour la restauration scolaire qui a pu intégrer 12% de Bio dans ses menus.


Au niveau de l’offre sur la ville, nous avons mis en place un partenariat national avec les distributeurs des moyennes surfaces, pour le lait local équitable « C’est qui le Patron ?! » et la banane Fair Trade bio, disponibles à Monoprix.


La boutique éphémère a permis à de nombreux artisans de se faire connaitre et promouvoir le savoir-faire local.


Par ailleurs, le réchauffement climatique étant toujours d’actualité, l’action de la ville, dans une transition durable concrétisée par le vote de la municipalité en 2016 de la Charte du Développement Durable (consultable sur le site de la ville), poursuit les travaux du schéma directeur énergétique pour une économie d’eau et d’énergie dans ses bâtiments communaux.

Suite à la COP 22 qui a eu lieu à Marrakech en novembre dernier, quelles avancées pour le Commerce équitable ?

Comme les deux années précédentes, malheureusement cette dix-septième édition nationale de la Quinzaine du Commerce équitable est placée encore sous le signe du réchauffement climatique.


Les études sont intransigeantes : le réchauffement du climat va empirer et mettre en danger des millions de gens qui vivent d’activités liées à l’agriculture et à l’eau. Ce qui a été déploré lors de cette 22e conférence mondiale, c’est l’absence d’actions internationales concrètes concernant l’agriculture : un secteur fortement soumis aux changements climatiques.


Sur les 29 articles de l’Accord de Paris, pas un seul ne traite d’agriculture, car cette question a toujours bloqué les négociations climatiques avec les grands pays industrialisés pollueurs.


D’ailleurs les avancées potentielles sur les négociations climatiques vont se compliquer suite aux élections américaines avec un Président élu anti-climat.
Le commerce équitable est reconnu comme outil de développement, il permet de diffuser les principes de l’agro-écologie et de la préservation de la biodiversité via un appui à l’agriculture biologique et paysanne. Ces systèmes agricoles permettent aux agriculteurs de s’adapter aux dérèglements climatiques.


Mais trouver les moyens d’assurer la sécurité alimentaire et par conséquent la Paix, ne pourra passer que par l’aide à l’investissement dans ces pays pour la construction de nouvelles infrastructures et une formation à une meilleure gestion de l’eau et des sols, ressources vitales pour la souveraineté alimentaire.


En novembre dernier, le jury national de la campagne Territoires de Commerce Equitable renouvelait sa confiance à Alfortville en lui attribuant, de nouveau, le label « Territoire de commerce équitable », avec une mention « d’Excellence ». Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

Notre ville a été ville pilote en 2008, pour le lancement de cette campagne nationale, qui a pour objectif d’inciter les collectivités territoriales à s’inscrire dans une démarche de développement durable, en sensibilisant sa population au commerce équitable et en intégrant des achats responsables dans sa commande publique.


A ce propos, les achats publics représentent 15% du PIB en France, dont 60% par le biais des collectivités territoriales. Elles sont ainsi un levier important pour le commerce équitable.


Aujourd’hui, nous sommes 31 collectivités à être labellisées et plus d’une centaine est engagée dans la démarche.


A Alfortville, notre action est axée sur la sensibilisation et l’éducation à la consommation responsable et au développement durable. Nous avons encore bien prouvé cela avec le vote de la municipalité en septembre dernier de la Charte du Développement Durable déclinée en 7 engagements consultable sur le site de la ville. Nous avons noué des partenariats sur le long terme avec les établissements scolaires où les enseignants sont à l’écoute et demandeurs de ces actions mises en place comme projets de classes sur toute l’année scolaire.


Nous faisons de notre participation annuelle à la quinzaine du commerce équitable, un moment clé pour rencontrer les Alfortvillais et leur expliquer les enjeux et les impacts des échanges commerciaux mondiaux, et la solution d’un commerce plus juste qui respecte l’Homme et l’environnement, au Nord comme au Sud. Mais nous sommes conscients que la route est encore longue avant une généralisation d’un véritable commerce équitable ! Alors restons optimistes et mobilisés !


Quel est l’impact du Changement climatique sur le Commerce équitable ?

Cette année encore la 16ème édition de la Quinzaine du Commerce Equitable est placée sous le signe du réchauffement climatique. En décembre dernier, La COP 21 a démontrée clairement que l’activité humaine est la principale responsable du dérèglement climatique. L’impact de ces changements est inégal entre les pays Nord et les pays du Sud.


Effectivement, les petits producteurs du Sud sont les plus touchés. Le modèle du commerce conventionnel de la production massive et la consommation déraisonnée sont les causes et les facteurs aggravants du changement climatique. Le rapport récent du GIEC confirme que ces changements climatiques creusent les inégalités et exacerbent les vulnérabilités existantes dans les pays du Sud.


De plus, ce rapport publie également des chiffres inquiétants sur l’impact du changement climatique sur la santé, l’accès aux ressources en eau, sur le rendement agricole et sur la sécurité alimentaire et de façon plus générale sur la sécurité des populations. Les déséquilibres climatiques ont entrainé la perte de 50 % de leur production, mettant directement en péril leur vie quotidienne des petits producteurs.

Comment s’organisent les petits producteurs ?

Grâce à des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement, les petits producteurs engagés dans le commerce équitable permettent d’alléger la facture du CO2. Les organisations des producteurs ont mise en place des projets afin d’adapter leurs cultures au changements climatiques.

Le commerce équitable est-il aussi Nord-Nord ?

Le commerce équitable était à l’origine un soutien envers les pays du Sud qui souffraient d’un décalage de développement. Mais aujourd’hui, avec la crise qui touche le monde entier, il a fallut redéfinir les principes du commerce équitable et notamment dans le secteur de l’agriculture paysanne et biologique avec les actions suivantes :

  • détermination d’un prix juste (calculé sur une analyse des coûts de production)
  • engagement de filière sur des volumes dans la durée
  • solidarité avec les producteurs par le préfinancement des récoltes.
    C’est le principe des AMAP (Association de Maintien de l’Agriculture Paysanne).
    Déjà, des opérateurs spécialisés ont œuvré dans cette démarche citons : BIOCOOP, Alter Eco et Ethiquable.

Et le Prix ?

L’important c’est de payer le juste prix qui rémunère le travail du producteur. Les produits issus du commerce équitable ne sont pas forcément plus chers, ils se situent généralement au niveau supérieur des marques nationales.

Quelles sont les actions mises en place sur Alfortville ?

Labellisée « Territoire de commerce équitable » depuis 2009, notre ville a intégré dans sa commande publique :

  • des distributeurs de café équitable dans les services
  • du jus dans les réceptions et dans les réunions.
  • un vêtement professionnel en coton équitable. ( 2017)
  • la banane et le chocolat équitables dans toutes les crèches.

    Aujourd’hui sur la ville on a :

  • une AMAP,
  • Les Cabas Paysans d’Alfortville, sur adhésion.
  • deux commerçants qui font des produits issus du commerce équitable : Point Nature rue Victor Hugo, et le chocolatier Corné Port-Royal rue P.V.C.